Interview d’Eric Bocquet

EIBS Radio est allée à la rencontre d’Eric Bocquet, sénateur communiste du Nord (59), est co-auteur de Sans domicile Fisc.

Y a une spécificité française qui s’appelle le verrou de Bercy. C’est à dire qu’aujourd’hui y a pas un fraudeur fiscal en prison. Y a des voleurs de mobylettes, y a des trafiquants de drogue, oui, mais y a pas de fraudeur fiscal en prison.


Le texte de l’interview :

Je reviens avec une petite latence qui n’est pas inintéressante dans le contexte politique sur les révélations du scandale Panama Papers, ça a eu l’effet d’une bombe médiatique quand ces révélations sont sorties par un consortium de journalistes internationaux d’investigation, ça nous laisserait penser un système de fraude fiscale généralisée et mondiale et donc totalement impénétrable par les administrations fiscales des pays concernés, au-delà de l’effet d’amplification des médias, est-ce que la réalité est de cette ampleur, voire encore plus générale que ce qu’on a pu penser ?

Oh bah oui, les Panama Papers au mois d’avril effectivement ont eu l’effet d’une bombe mais là on est au mois de novembre, qui en parle encore ? Et des scandales de ce genre, y en a eu plusieurs qui se sont succédés ces dernières années, on peut citer offshore leaks, on peut citer luxleaks, on peut citer Cahuzac, UBS, HSBC, etc etc.

Donc les scandales se suivent et se ressemblent, et n’ont fait que confirmer les uns après les autres les constats qu’on avait pu faire dans les commissions d’enquête effectivement dont j’ai été le rapporteur en 2012 et 2013, deux commissions d’enquête de six mois chacune au Sénat et donc les chiffres ne nous ont pas surpris du tout, on est effectivement à ces hauteurs de chiffres-là, chaque année l’évasion fiscale coûte à la France entre 60 et 80 milliards d’euros, sur un budget qui est aujourd’hui à 300 milliards en recettes et 374 milliards en dépenses, donc tout de suite on voit que le déficit prévu cette année il est exactement prévu dans la fourchette du coût de l’évasion fiscale chaque année pour le budget de la République. Ça c’est un premier constat.

Les chiffres sont également sidérants au niveau de l’Union Européenne puisque la France n’est pas le seul pays à être touché, vous l’avez dit c’est un phénomène planétaire, dans l’Union Européenne ce sont mille milliards d’euros qui manquent dans les budgets des États membres… C’est six fois le budget annuel de l’Union Européenne, mille milliards.

Et à l’échelle de la planète, y a un économiste reconnu, sérieux, qui a fait un travail sur le sujet, de calculs, d’investigations, qui estime que 8% de la richesse mondiale aujourd’hui est gérée dans les territoires offshore, les paradis fiscaux. 8% ça fait cinq mille huit-cent milliards de dollars.

Donc voilà les constats qu’on a fait au niveau des chiffres, donc quand on nous dit depuis quelques décennies qu’il n’y a plus d’argent dans les budgets pour financer la santé, l’éducation, le logement, la formation etc, on se dit qu’il y a un petit problème dans le discours quoi. Il n’y a plus d’argent public, mais y a un argent monstrueux dans la sphère privée, dans l’industrie financière, les banques, les multinationales, qui sont les plus grands acteurs de l’évasion fiscale internationale effectivement. Je pourrais citer le cas récent de Apple en Irlande qui est une société américaine qui pèse 250 000 milliards de dollars de plus que le PIB d’un pays comme le Portugal par exemple, et on se rend compte que Apple n’a pas versé 13 milliards d’euros d’impôts à la République d’Irlande ce qui représente 20% de leurs recettes annuelles, et avec ces 13 milliards par exemple on aurait pu construire en Irlande 20 hôpitaux à 650 millions, on aurait pu tripler les budgets de construction de logements sociaux dans un pays de 4 millions et demi d’habitants, donc voilà l’impact il est direct, il est immédiat, les conséquences pour les peuples sont là, les peuples auxquels on impose l’austérité au nom du fait qu’il n’y aurait plus d’argent, et en fait cet argent il est dans les paradis fiscaux, tout simplement.

Alors vous rappelez l’effet de la bombe médiatique des Panama Papers, on a eu forcément une réaction politique émue à ce moment-là, on se rappelle de Michel Sapin invité sur le plateau d’Elise Lucet sur France 2 qui s’attaquait violemment à la fraude fiscale, sans parler de l’optimisation fiscale qui est pour l’instant dans une marge de la légalité qui est encore un clair-obscur, et pour parler de la fraude fiscale qui est, elle, clairement illégale, avec les montants que vous rappelez…

Peut-on réellement expliquer qu’autant d’argent échappe aux administrations fiscales qui sont aujourd’hui des agences reconnues, qui ont un pouvoir d’investigation, qui ont un pouvoir répressif, qui a priori payent également des enquêteurs fiscaux… Peut-on réellement mettre sur le compte [d’]une souricière du système qu’autant d’argent échappe aux budgets nationaux ou alors est-ce qu’il y a peut-être pas une complicité mais un manque d’attention de la classe politique actuelle dans l’ensemble des pays – finalement – occidentaux?

C’est plus grave qu’un manque d’attention parce que l’émotion… À chaque révélation, à chaque scandale, on a droit à des discours effectivement émus, mais il y a des décisions politiques à prendre hein! Le gouvernement, l’Etat, c’est lui qui incarne l’intérêt général, qui est censé le défendre, c’est l’Etat qui lève l’impôt, c’est l’Etat, les parlements qui votent les budgets, il faut que le politique reprenne la main sur ces sujets. On a eu l’affaire Cahuzac quand même, ministre du budget de la France, en charge de la lutte contre l’évasion fiscale et dont on sait ce qu’il est advenu après, puisqu’il était lui-même un acteur de l’évasion fiscale en ayant un compte non déclaré en Suisse, ça en dit long quand même. Y a une spécificité française qui s’appelle le verrou de Bercy.

C’est à dire qu’aujourd’hui y a pas un fraudeur fiscal en prison. Y a des voleurs de mobylettes, y a des trafiquants de drogue, oui, mais y a pas de fraudeur fiscal en prison. Il y aura peut-être Cahuzac puisque le jugement va être rendu le 8 décembre, il est menacé de peine d’emprisonnement, ira-t-il en prison ? La question se pose, on verra, on va suivre ça de près, mais c’est le seul ministre du budget qui a le monopole des poursuites judiciaires en France. C’est-à-dire que le parquet, la justice en France, ne peut pas s’auto-saisir des dossiers d’évasion fiscale. C’est le ministre du budget qui décide si oui ou non on engage une poursuite judiciaire auprès du parquet contre tel ou tel fraudeur fiscal. Y a qu’en France que ça existe, ça.

Donc on est là face à un clair manquement, une spécificité liée à l’évasion fiscale de la séparation des pouvoirs ?

Absolument, moi je le dis clairement, on le combat régulièrement, à chaque occasion dans les débats parlementaires à l’Assemblée, au Sénat, on est quelques-uns à demander la suppression du verrou de Bercy, et les ministres successifs nous expliquent qu’il vaut mieux le garder, il vaut mieux utiliser cette arme comme moyen de pression sur les fraudeurs de manière à récupérer un peu d’argent, parce qu’on nous explique que la justice « oui mais vous savez la justice c’est long, et on n’est pas surs de gagner ». Donc on est dans la négociation, on négocie, McDonald est en train de négocier avec Bercy aujourd’hui, McDonald enlèverait 1 milliard 300 millions d’impôts au budget de la France et ils vont peut-être payer 300 millions, quoi. On négocie. C’est pas possible, ça. L’impôt c’est la loi, l’impôt c’est l’intérêt général, c’est ce qui permet de financer les écoles, les routes, la formation etc, tout ce qui fait qu’on vit dans un monde civilisé, et donc au nom de ces principes là, la République, l’État doit imposer sa loi au fraudeurs !

Alors, fraude et optimisation, la distinction se fait effectivement, la fraude c’est clairement ce qui est dissimulé, le compte dissimulé de M. Cahuzac c’est de la fraude, et l’exemple d’Apple que je citais tout à l’heure, ça c’est de l’optimisation effectivement. C’est-à-dire qu’on joue sur la concurrence fiscale entre les États y compris au sein de l’Union Européenne, on fait son petit marché fiscal et on va au plus offrant! Le taux d’imposition d’Apple en Irlande c’était 0,005%. Alors que l’impôt sociétaire en Irlande est déjà à 12,5%, il est déjà l’un des plus faibles de l’Union Européenne. En France c’est 33,3%. Aux Etats-Unis c’est 35%. Donc les grands groupes qui ont des filiales dans tous les paradis fiscaux dans le monde ont beaucoup de facilités pour aller faire leur marché fiscal et aller au plus offrant, celui qui fera le tarif fiscal le plus intéressant pour eux, c’est-à-dire le plus faible. Parfois même nul, les paradis fiscaux comme Jersey, Bermudes, l’impôt c’est zéro. Donc évidemment c’est très efficace! Donc on sera toujours en compétition avec ces territoires là. Donc il faut absolument éradiquer ça et l’un des chantiers à ouvrir d’urgence c’est le chantier de l’harmonisation fiscale. Commençons par l’Union Européenne déjà.

Et alors dans le cas que vous citez, celui de l’Irlande, on est face à une véritable impasse politique. On a vu la Commission européenne dresser un redressement fiscal à Apple, qui suivra sans doute ceux de Google, Amazon, l’ensemble des grands groupes de l’internet d’aujourd’hui, que l’Irlande a formellement refusé et condamné. C’est une bataille finalement entre des institutions européennes et des États membres qui refusent une harmonisation fiscale par le haut pour éviter justement cette concurrence fiscale. Quel poids aujourd’hui peuvent avoir certains pays qui la demanderaient, la France, l’Allemagne, les pays du Sud, face à des pays qui restent largement réfractaires à ce type d’harmonisation?

Bien sur, l’Union Européenne est un espace de compétition, de dumping social on le sait, et aussi un dumping fiscal, le Royaume-Uni vient d’annoncer qu’il va encore diminuer son impôt sociétaire à 20% je crois, avec l’objectif de le ramener à 17% en 2020. En France on va baisser l’impôt sociétaire à 28% là aussi. On est dans un espace de concurrence fiscale mais ça c’est mortifère pour les États et les peuples !

C’est des recettes fiscales qui vont pas rentrer dans les budgets des États et donc moins de moyens pour améliorer la vie des gens en gros. Les services publics par exemple. Donc le chantier de l’harmonisation fiscale, je commençais par ça tout à l’heure, il est urgent. Alors on nous dit aujourd’hui la fiscalité ça relève de la souveraineté des États. Oui c’est vrai, c’est-à-dire que la Commissaire européenne, aussi volontariste soit-elle, Mme Vestager, qui dit à Apple « vous devez payer 13 milliards à l’Irlande » mais que le gouvernement irlandais dit « non non nous on ne veut rien récupérer », parce qu’il y a des arrangements entre les États et les grands groupes, voilà, mais ça, ça se fait au détriment du peuple. Donc effectivement, l’une des règles à changer également c’est qu’au sein de l’Europe il faut unanimité des 28 États membres pour changer une règle fiscale, pour prendre des décisions en matière financière.

Voilà. Mais il faudrait que sept-huit États, les plus puissants d’Europe peut-être, les plus importants économiquement, se mettent d’accord, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni même s’ils vont quitter bientôt, pour dire ça suffit, il faut – on appelle ça des majorités qualifiées je crois – qui permettraient de faire avancer un mouvement dans ce sens de l’harmonisation parce qu’autrement on n’en sortira pas! Si on conserve la concurrence comme c’est le cas aujourd’hui, on va tout tirer vers le bas et on va affaiblir les États.

Est-ce qu’on peut dire que ce mouvement a commencé en tout cas au sein de l’Union Européenne, on a vu le chantier de l’Union bancaire, on voit aujourd’hui la Commission Européenne qui dresse une recommandation allant dans ce sens dans le cas de l’Irlande et dans le cas de l’optimisation fiscale en Irlande, chose que l’on aurait jamais vu dans le cadre de la commission Barroso, est-ce qu’on peut dire que ce chantier est commencé ou est-ce qu’on peut dire que c’est un écran de fumée ?

Le climat un peu changé, le vent a tourné mais maintenant il faut qu’il souffle, le vent. Parce qu’effectivement l’Europe sent bien l’indignation des peuples depuis 2008, les États sont à la recherche de recettes avec la crise financière, parce qu’il a fallu que les États aggravent leur dette pour sauver le système bancaire et financier mondial, donc c’est nous tous qui supportons cette dette pour sauver le système bancaire, parce qu’effectivement s’il s’ écroulait on était partis pour une crise analogue à celle de la crise de 1929, le krach de Wall Street etc. donc les banques se sont rendues incontournables, donc ce sont des banques privées, et de fait elle bénéficient de la garantie des États . Rien n’a changé, les règles n’ont pas été modifiées, aujourd’hui les banques continuent leur petit business comme avant en mettant en péril les grands équilibres budgétaires donc il faut absolument s’attaquer à ça. Il y a des complicités.

Donc le climat a changé, l’Union Européenne, je pense à Margrethe Verstager la nouvelle commissaire, avance des mesures positives, effectivement, mais dans le même temps on a Monsieur Junker qui préside la Commission Européenne, et quand il était premier ministre du Luxembourg il y a quelques années, c’est lui qui était aux manettes pour proposer des cadeaux fiscaux à IKEA, Amazon, Starbucks, au Luxembourg, au bénéfice du Luxembourg, et au détriment des États européens. Barroso que vous avez cité, on comprend mieux que quand il était aux affaires, il ne se soit pas attaqué au sujet parce que maintenant il a rejoint la banque Goldman Sachs. Donc on voit bien les connivences, les proximités, les complicités entre tous ces gens, je pourrais citer également la commissaire en charge de l’économie du numérique Nelly Kroes, l’ancienne commissaire, et après ses fonctions elle a été recrutée par Uber, et puis on découvre que Madame Kroes est titulaire est propriétaire d’une société off-shore aux Bahamas. Donc voilà, tout ça ça suffit quoi ! Quel est l’intérêt qu’on défend ? L’intérêt propre, l’intérêt de la finance, ou l’intérêt des peuples européens ? Donc il y a des connivences qui sautent aux yeux aujourd’hui, alors, le discours change un peu parce que la réalité est celle-là, les peuples ne supportent plus qu’on leur impose l’austérité alors que des grands groupes ne payent pas leurs impôts! Donc ça devient politiquement intenable. Donc l’Europe est obligé de s’emparer du sujet. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, entre les discours et la décision de l’Irlande de dire « non non nous on ne réclame rien à Apple », il y a encore du chemin à parcourir. Et tant que les peuples ne s’empareront pas du sujet, pour exiger qu’effectivement ça bouge, pour exiger que des choix soient faits dans l’intérêt général, je pense que l’on va rester longtemps dans la demi-mesure.

Alors, vous proposez je crois dans votre livre, arrêtez-moi si je me trompe, coécrit avec votre frère Alain Bocquet la mise en place au-delà de l’Union Européenne d’une conférence mondiale sur l’évasion fiscale sur le modèle de la conférence du climat. Est-ce qu’on peut entrevoir des réelles mesures d’efficacité même à un niveau mondial sachant qu’aujourd’hui ces quelques territoires identifiés, c’est le Panama, les Bahamas, Singapour, les îles vierges britanniques, est-ce qu’on peut, même une échelle mondiale, se battre aujourd’hui contre le système d’évasion fiscale face à une économie mondialisée –et je reprends votre expérience, quand vous avez eu dans le cadre de la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion fiscale l’occasion d’interroger Monsieur Oudéa, PDG de la Société Générale, qui vous assure que sa banque s’est conformée aux règles, à la loi en matière de lutte anti blanchiment et dont on s’aperçoit quatre ans après que sa banque est dans le top 5 des premières banques à avoir permis la création de sociétés offshore, notamment à travers le Panama, aux côtés de HSBC, de la très connue UBS et d’autres banques européennes…

Est-ce qu’aujourd’hui le système politique, même mondialement uni, on va dire une certaine utopie, peut vaincre un système qui a été mis en place par les grands du monde économique ?

Les grands, c’est 1 % de l’humanité. Et en face, il y a 99 % des gens qui subissent les méfaits de cette oligarchie organisée depuis quelques décennies effectivement. En complicité avec les gouvernements, les multinationales…Oui donc c’est possible, tout ça n’est écrit nulle part, ça été organisé ainsi parce que l’économie mondiale, oui, il y a la mondialisation, oui il y a une pensée unique qui s’installe dans le monde, aujourd’hui le terrain de jeu économique, c’est la planète. Il n’y a qu’un seul corps, il n’y a qu’une seule logique, et il y a une finance qui dirige tout avec les complicités des États. Donc oui aujourd’hui l’évasion fiscale devient un sujet dans le débat public, mais ce n’est que l’affaire du G20 pour l’instant. Il y a 200 États dans le monde. Nous, la COP qu’on propose, une COP fiscale sur la grande finance internationale régule ça concerne les 200 États. Sous l’égide de l’ONU, il faut que l’ONU s’empare du sujet. Après tout, il y a des organismes qui s’occupent du commerce, de la santé, des finances, il y a le FMI, voilà, pourquoi pas redéfinir tous ces outils dans le sens de l’intérêt général, encore une fois, par ce qu’il y va de l’intérêt de la planète, là on parle des pays développés, mais les pays dits en voie de développement subissent eux aussi le pillage des multinationales.

Pour un euro que les pays du Nord versent au pays du Sud on leur en prend 10 par effet de l’optimisation fiscale et de l’évasion fiscale. Le monde est ainsi fait, voilà. Il est ainsi organisé, et c’est vraiment 1 % de l’humanité qui dirige l’ensemble de la planète. Il y a cet exemple fameux que citait Joseph Stieglitz, prix Nobel d’économie, ancien conseiller économique de Clinton, il disait vous mettez dans un bus les 62 personnes les plus riches de la planète, il y a autant de richesses dans le bus que celle rassemblée par les 3 milliards et demi d’êtres humains les plus pauvres. On ne peut pas continuer avec ce monde-là, avec de tels équilibres. La finance a explosé depuis 30,40 ans, mais les inégalités ont explosé dans le même sens, donc ça ne peut plus tenir debout, cette affaire, donc il faut s’attaquer à ça c’est un enjeu pour l’avenir de l’humanité, de la planète. Donc oui, une COP fiscale, il faut en avoir la volonté. Après tout, qui aurait dit qu’il y aurait eu une COP climatique, une COP 21… Alors tout n’est pas réglé, mais au moins on a rassemblé tous les États, il faut aussi rassembler, c’est ce que l’on propose, les O.N.G., les syndicalistes, les lanceurs d’alerte… Il y a des O.N.G qui travaillent le sujet depuis des années, tout le monde a voix au chapitre, et même les plus petits États. Et on proposerait même que cette conférence, la première, ait lieu à Bujumbura, la capitale du Burundi, le pays le plus pauvre du monde, je crois que c’est 315 $ par habitant par an, la richesse du Burundi. Donc voilà, ils sont concernés au même titre que le sont les États-Unis, les Allemands, les Britanniques, les Français, c’est ça la COP. Donc c’est ambitieux, y a une génération de boulot faut pas se mentir, notre bouquin est dédicacé à nos petits-enfants et aux petits-enfants du monde. Voilà, c’est à cette échelle-là qu’il faut mettre le combat, la barre est très haut mais l’enjeu l’est tout autant. Ou on s’incline comme l’a fait le gouvernement irlandais, comme le font les États en n’osant plus affirmer le politique en face de ces boites privées qui veulent diriger le monde à leur façon, je pense au GAFA, là, le Google, Apple, Facebook, Amazon, voilà, eux ils voient le monde comme ça demain : 7 milliards d’humains, 100 multinationales qui dirigent le monde, sans États. Sans États, donc sans élus, parce que les États, ça légifère, ça contrôle, ça sanctionne, ça régule, et surtout les états ça lève l’impôt. Il n’y a que les états qui peuvent lever l’impôt aujourd’hui dans le monde. Google ne pourra jamais lever l’impôt. Il pourra nous faire payer des services, mais l’impôt, c’est l’État. Et l’État, c’est au nom de l’intérêt général. Donc il y a une bataille qui est en train de se mener à l’échelle planétaire, entre les États-nations et ces multinationales qui est en douceur avec beaucoup de séduction et de savoir-faire veulent s’emparer de tous les pouvoirs dans le monde, ils ont déjà un pouvoir financier colossal, et veulent avoir aussi la main sur les affaires économiques du monde au sens large. L’enjeu, il est là. Donc cette COP c’est ambitieux, il ne faut pas dire qu’on ne peut pas arriver, il faut décider de la faire et il faut mettre les moyens pour s’attaquer au sujet.

Alors l’objectif est ambitieux, mais que répondre aujourd’hui, au-delà des 65 millions de français, mais aussi à nos voisins européens, vous avez rendu votre rapport au Sénat de cette commission d’enquête en juillet 2012, il me semble, avec l’interrogatoire si je puis me permettre des patrons des grands groupes bancaires… on se trouve en juillet 2012, le parti socialiste remporte les élections présidentielles, les élections législatives, pour la première fois depuis des dizaines d’années le parlement à une majorité dite de gauche, le gouvernement est de gauche, le Sénat, chose exceptionnelle, à une majorité dite de gauche, visiblement, les collectivités territoriales, on est dans un contexte rêvé. Et en avril dernier, après ces révélations, non seulement (je reprends cet exemple) Monsieur Oudéa est toujours en poste à la Société Générale, il n’a été ni attaqué ni mis de côté par la justice, quand bien même le verrou de Bercy, avec ce contexte politique nous aurions pu l’imaginer, ni par ses actionnaires qui ne se sont visiblement pas plus méfiés du mauvais coup de com’ pour la Société Générale, et dans le même temps, les lanceurs d’alerte, alors je pense aux lanceurs d’alerte pour le LuxLeaks, aux lanceurs d’alerte pour la banque UBS mais aussi des lanceurs d’alerte comme Julian Assange qui ont largement contribué à de nombreuses révélations depuis plus de 10 ans, à Edward Snowden qui a permis de montrer à l’Europe, au-delà de la fraude fiscale, que ses intérêts vitaux étaient attaqués par les États-Unis, ces personnes-là par contre sont, elles, attaquées par la justice, condamnées, on pense à l’affaire Kerviel, par la justice.

Par la justice, en l’occurrence de la République, indépendante du pouvoir politique normalement, que Monsieur Assange et Monsieur Snowden sont toujours retranchés dans des ambassades et que la France leur fait aucune proposition d’asile alors que Monsieur Sapin avait annoncé un statut pour les lanceurs d’alerte qui est en train de tomber à l’eau à la dernière relecture par le Sénat. Qu’expliquer aux citoyens dans un tel contexte ? Autant d’espoir, cette crise qui arrive finalement au bon moment, dans le bon contexte politique pour faire changer les choses et cinq ans après non seulement on n’en parle plus, c’est un sujet qui est un évincé de la campagne présidentielle, on parle beaucoup des migrants, on parle du déficit, on parle du nombre de demandeurs d’emploi, et on ne parle pas de cet état de fait.

Entièrement raison, le discours du Bourget le 20 janvier 2012, « mon adversaire c’est le monde de la finance, il n’a pas de nom, il n’a pas de visage, mais il a tous les pouvoirs« . Eh bien ce monde de la finance il a des noms, il a des visages, il est identifié, on le connaît, et il y a des connivences de ce discours magnifique de François Hollande en janvier a pas été suivi des faits effectivement. Ils ont raté une occasion unique, parce que vous avez raison il y a un contexte porteur aujourd’hui pour s’attaquer à ça, on ne s’est pas attaqué au monde de la finance. Notre bouquin c’est… On n’est pas candidats à la présidentielle mon frère et moi, mais on veut que ce sujet soit dans les débats de la présidentielle plutôt que le burkini. Qu’on parle de ça. Parce que curieusement, j’ai bien écouté tous les candidats, même ceux qui ont écrit des rapports extrêmement intéressants sur le sujet, Monsieur Montebourg en 2009 a été l’auteur d’un rapport à l’Assemblée sur l’évasion fiscale avec Vincent Peillon. Et quand il a déclaré sa candidature, il n’a pas eu un mot sur l’évasion fiscale. Ça m’interpelle, quand même. Pourquoi ne parle pas de ça, lui ? Il est de gauche… Enfin je parle de lui, mais tous les autres ! La primaire à droite, personne ne parle de ce sujet ! Curieusement, il y a un silence assourdissant. Nous, avec ce bouquin, quand tous les candidats seront désignés, après les différentes primaires et autres sélections, on va leur adresser notre bouquin et les interpeller tous un par un sur ce sujet, « qu’est-ce que vous faites là-dessus ? » Parce que si on ne s’attaque pas à ça, le reste c’est du bla-bla. On va nous enfermer dans la dette, le déficit effectivement, parce qu’on est dans la dette perpétuelle, là. Le déficit annoncé pour cette année c’est 74 milliards. Et on va réemprunter cette année 180 milliards, le budget de la France. Parce que la (…) de la France est fiable. Les marchés financiers vous prêtent de l’argent facilement. Mais donc on est dans la dette jusqu’à quand, là ? Jusqu’à quand ça va durer, cette dette ? Cette dette, c’est un mensonge. On nous dit, les économistes experts, libéraux, nous disent le bébé qui va naître aujourd’hui il a 31 000 € de dette sur la tête, il en sait rien, le malheureux. Il a cette dette parce que ses parents, ses grands-parents, ont voulu travailler 35 heures par semaine, prendre leur retraite à 60 ans, ils ont voulu les congés payés, la sécurité sociale, les fonctionnaires, l’école gratuite… Donc on vit au-dessus de nos moyens, nous dit-on aujourd’hui. Il n’y a plus d’argent. Nous, on démontre qu’il y a de l’argent, privé, auquel il faut s’attaquer. Pas pour égorger les gens, mais pour que chacun paye sa juste contribution au fonctionnement de la société. Avec un barème équitable, avec un impôt progressif, et faire que personne n’y échappe. Aujourd’hui on nous annonce la fin de l’ISF, Alain Juppé et autres. C’est pas ça, la solution. Et les 31 000 € de dette, quand on divise les 80 milliards d’évasion fiscale chaque année par les 800 000 naissances, eh bien ça fait 100 000 € de crédit sur le bébé qui naît aujourd’hui. Donc 100 000 de crédit, 31 000 de dépenses, de débit, ça fait un excédent, un solde créditeur de 69 000, il me semble. Eh bien quand on dit ça, on change tout. Pourquoi on ne parle pas de ça ? Donc ce sujet, nous, on va le rendre incontournable, c’est l’ambition qu’on se donne, ce n’est pas une affaire marchande, c’est un acte militant politique majeur. On n’est pas candidats. Mais cette question doit être dans les débats le plus vite possible. Autrement, on va nous enfumer avec des fausses questions, les migrants, la sécurité, les caméras, le burkini et bla-bla-bla. Ça, c’est du cinéma, c’est de l’enfumage, et on va désespérer le peuple encore un peu plus si on ne s’attaque pas à ce sujet et on risque, c’est déjà le cas, de voir monter en Europe, en France comme ailleurs, des tendances qu’on croyait oubliées depuis 70 ans, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, en Hongrie, en Pologne, en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, partout, partout. Alors on appelle ça « nationaliste », ça peut vite tomber dans le fascisme.

 

Quand on n’y est pas déjà. Et alors là je vais poser une question plus qu’à l’expert de l’évasion fiscale mais à l’homme politique communiste que vous êtes, à quelques mois de la présidentielle aujourd’hui, finalement, quelle alternative dans l’état de fait des débats politiques, des prises de position, on est forcément dans un contexte où on a un Front National très fort, qui, loin de s’attaquer à ces questions-là, joue effectivement sur l’immigration, le problème de l’islam en France, etc. etc. comme toute une partie de la droite dite républicaine, sans compter qu’on manque de rappeler que le Front National n’est pas exempt d’affaires sur les questions fiscales, sur les comptes de campagne, sa perméabilité avec certaines banques russes laissent à penser que l’on est pas face à un parti, derrière l’image de défenseur du petit peuple […]

Qui serait prêt à prendre justement la défense du petit peuple, on est face à une droite qui de plus en plus prend la défense aujourd’hui des personnes les plus riches de ce pays, non content d’en prendre la défense dans leur politique, ce sont dans les discours. On est face à un parti socialiste en décomposition suite à un bilan qui a été… son bilan. Et l’alternative que la gauche de la gauche pouvait incarner jusqu’ici, qui est aujourd’hui finalement une certaine impasse, serait-elle incarnée par un Jean-Luc Mélenchon, qui certes a beaucoup critiqué la fraude fiscale, le pouvoir de la finance, mais dans une dimension qui n’est pas celle que vous nous avez dépeinte jusqu’à aujourd’hui, Monsieur Mélenchon n’a cessé de nous rappeler que c’était la faute de nos amis allemands, qui ont eu bon dos jusqu’à présent, la faute de l’union européenne, je pense qu’à l’issue de cet entretien on peut voir que, union européenne ou pas, elle n’est qu’à l’image des autres institutions internationales, ou des autres institutions nationales beaucoup de cas… Donc il ne peut pas représenter en tout cas, pour bon nombre de concitoyens, une alternative crédible à un système installé et le reste de la gauche, le parti communiste dont on ne sait pas trop il va avancer à l’issue de ses négociations internes sur la présidentielle, le parti écologiste qui, malheureusement pour lui, va se retrouver également dans une impasse suite à sa prise de participation dans le gouvernement et dans les gouvernements successifs du mandat de François Hollande, les frondeurs du PS qui vont organiser une primaire qui n’aura sans doute que peu de succès, et peu de succès aussi dans les urnes en 2017 parce que l’étiquette parti socialiste n’a aujourd’hui plus aucune crédibilité vis-à-vis des citoyens, quelle alternative aujourd’hui dans la classe politique ? Et, pour le dire plus crûment, quel spectacle nous donne la classe politique, toutes les gauches, sans parler de l’extrême droite, sans parler d’une partie de la droite républicaine, quel spectacle la classe politique donne aujourd’hui à voir finalement aux électeurs, à ceux à qui elle réfère?

Spectacle désespérant parce que cette politique ne parle pas des problèmes et de la vie des gens. On parlait tout à l’heure du burkini, mais voilà, on nous amuse avec des candidats sur des canapés nous racontent ce qu’ils aiment manger, enfin bref… La politique s’est druckérisée, fogiélisée, karine-le-marchandisée, etc. C’est vraiment pas ça l’avenir. La politique, c’est noble. Mais celle qui débat des idées, quoi. C’est pas un problème d’avoir des idées différentes, encore faut-il avoir des idées. L’urgence aujourd’hui c’est de dire aux gens il y a une alternative. Ça fait 30 ans que les dirigeants de ce monde nous expliquent qu’il n’y a pas d’alternative. Aujourd’hui, le monde il est unipolaire, c’est les multinationales, c’est la finance qui a pris la main sur les affaires du monde, et donc au-delà des alternances politiques, en France et ailleurs, on n’a pas réussi à changer la vie quoi. Ce système perdure, la richesse explose et les inégalités se creusent. Y compris dans un pays comme le nôtre, sixième ou cinquième puissance du monde. Et notre pays, il est ce qu’il est parce qu’il y a eu de la politique, pourquoi on a les congés payés aujourd’hui dans ce pays ? Ce qui était inimaginable en 1932, 1933, 1934, si on avait dit au peuple « vous allez être payés à ne pas travailler pendant 15 jours », ils auraient dit « mais vous rêvez, ce n’est pas possible! Comment on peut ne pas travailler et avoir de l’argent ? » Et puis on l’a fait. Si on avait expliqué en 1942 aux femmes qu’elles allaient voter à la Libération, alors qu’elles n’avaient jamais voté, la moitié de l’humanité ne votait pas en France, et puis ça c’est fait. Si on avait expliqué en 1967 que le SMIC allait être augmenté de plus de 30 % en 1968, l’année suivante, on nous aurait dit « mais ce n’est pas possible ! » Et on l’a fait. Ça s’est fait. L’école publique c’est pareil, c’est parce qu’il y a eu une volonté politique un jour de changer la société, de prendre des décisions qui effectivement l’ont changée. Aujourd’hui, le politique… Alors aujourd’hui la classe politique… Moi je ne me reconnais pas dans la classe politique, ça n’existe pas, je ne sais pas ce que c’est que la « classe politique ». Je ne sais pas ce que c’est que le personnel politique. Personnel de qui ? On a un employeur, quand on a du personnel. Non, un militant, nous on est des élus militants, on a nos qualités, nos défauts, mais on est des militants jusqu’au bout, on porte des idées et on veut défendre l’intérêt général. On n’est pas là pour des carrières personnelles et des problèmes de nombril, ça n’a rien à voir avec ça, on passe notre vie à montrer qu’il y a une alternative. Et ce bouquin entend bien y contribuer. Il n’y a pas d’argent ? Mais si il y a de l’argent ! Faut qu’on s’y attaque, faut que le politique reprenne la main là-dessus, qu’est-ce qu’on attend pour s’attaquer à ces milliards qui foutent le camp tous les jours ? Et ça pour imposer l’austérité au peuple. Il faut casser cette logique, oui il y a une alternative, non il y a pas de sauveur suprême, quel qu’il soit. Fût-il communiste. S’il y avait un candidat communiste à la présidentielle, ce serait peut-être pas mal, pour porter ça. Mais il y a pas de sauveur suprême. Aucun homme, aucune femme seul-e ne pourra changer les règles du jeu dans ce monde. Il faut, et c’est aussi le sens de ce bouquin, d’abord que le sujet revienne dans le débat de la présidentielle, enfin, qu’on l’impose, et puis que les citoyens s’emparent de ce sujet. On a tous des comptes en banque, on est tous consommateurs. On n’est pas qu’électeurs une fois tous les cinq ans. On est tous conscients, on a des emplois dans les entreprises où on est, on doit avoir des droits pour regarder ce qu’il se passe au niveau des choix de gestion des entreprises, y compris des banques! Voilà, donc il n’y a pas de fatalité, il y a une alternative à construire, elle n’est pas incarnée aujourd’hui, il ne faut pas se mentir, la présidentielle s’engage très très mal, on s’engage sur des trucs qui n’intéressent personne, pour amuser, divertir, dévier le mécontentement, l’orienter vers le migrant ou le méchant ou le fraudeur au RSA, et on ne parle jamais de l’évasion fiscale, jamais ! C’est assez significatif. Donc nous notre combat c’est celui-là, on va populariser ce bouquin non pas pour des visées mercantiles, c’est pas ça le sujet, mais pour que la question devienne incontournable. Et on prend des initiatives, on rencontre les gens, en ce moment on tourne, demain on sera à Montpellier, à Sète, à Béziers, on va aller à Bercy au mois de décembre, on va aller en Corse, on va labourer le pays mon frère et moi pour parler de ce bouquin. Et on est invités partout, par des gens très divers, qui ne pensent pas comme nous. D’ailleurs dans le bouquin, il y a 38 témoins, qui ne sont pas du tout communistes. Michel Barnier, Eva Joly, Nicolas Hulot, Alain Lamassoure, il y a des syndicalistes, des ONG, de toutes tendances, et ces gens-là disent ça peut plus durer, il faut arrêter ce truc là, on va tous dans le mur. Et Ziegler qui a préfacé le bouquin, lui il parle de l’ordre cannibale du monde. On en est arrivés là aujourd’hui. L’ordre cannibale du monde. Et si on ne se réveille pas, tous, les 7 milliards d’humains… C’est ambitieux hein, mais c’est ça de la politique. C’est dire qu’il y a des solutions mais qu’il faut tous qu’on s’y mette pour faire avancer le schmilblick autrement, si on s’en réfère aux grandes déclarations des uns, des autres, et les promesse jamais tenues, on va pas s’en sortir.

Alors, pour conclure, un pronostic Éric Bocquet, cette alternative, cette nouvelle pensée, dont vous nous parlez, on peut peut-être la voir arriver en Europe, alors en France elle peut être incarnée – « incarnée, je n’aime pas ce mot » mais je parle en termes d’idées, par les travaux de Monsieur Piketty, qui ont fait beaucoup parler d’eux sur les mécanismes d’accumulation du capital justement depuis la fin de la guerre, par les travaux de Monsieur Duval, d’Alternatives Économiques, plus loin en Europe par des espoirs politiques, l’espoir qui avait été suscité par Syriza, l’espoir suscité par Podemos, par les grands mouvements citoyens qui se sont levés contre les grands traités transatlantiques, en Allemagne et en Belgique, vous la voyez arriver cette alternative? Vous y croyez dans les années à venir?

Plus que jamais. Plus que jamais. On pourrait ajouter Bernie Sanders, le candidat dans la primaire démocrate aux États-Unis, le papy là qui a fait lever les jeunes, sur un discours très anticapitaliste, et aux États-Unis il faut le faire, quand même! Il se définit comme un socialiste. Aux États-Unis, c’est un bolchevique! Mais la campagne qu’il a menée, qui a obligé Hillary Clinton à promettre le salaire minimum à 15 dollars, ça c’est Bernie Sanders. C’est grâce à ça. Voir ça aux États-Unis… Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne, lui aussi il est pas un jeunot, 72 ans, le gars… Il a ramené 300 000 adhérents au Parti Travailliste, qui avait été bradé par Tony Blair, Gordon Brown, pour en faire un parti social-libéral, très pâle, lui il a jamais bougé. Son discours est un discours à gauche, sur la justice, le partage…

C’est pas un hasard, un mec comme Heni Guaino, l’ancien conseiller de Sarkozy, qui est pas un bolchevique, il vient de publier un livre qui s’intitule « En finir avec l’économie du sacrifice ». Un pavé de 628 pages où il explique que l’austérité c’est pas la solution. Alors lui c’est un libéral, c’est un gaulliste, il était au Plan autrefois. Donc il a une autre vision, c’est un libéral mais avec une vision d’État quand même. Et c’est pas tout à fait la même chose que ce néo-libéralisme financiarisé aujourd’hui, alors je dis pas qu’il faut refaire du capitalisme à l’ancienne, mais ces gens-là se posent les mêmes questions que nous. Ils disent « on va dans le mur. On peut plus durer comme ça. » Mais eux, leur idée c’est de sauver le système. Parce que si on va trop loin, on n’aura plus rien. Et voilà, il y a une tendance ultralibérale anglo-saxonne où y a pas de limite, pas d’État, pas de régulation, laissez-nous faire le fric, point. Il se passe, il y a un questionnement de fond dans le monde entier aujourd’hui. Dans le monde entier, j’en suis intimement convaincu, Sanders, Corbyn, y a eu Podemos, Syriza, Syriza qu’on a mis à genoux avec la finance, on leur a dit « messieurs les Grecs vous avez voté deux fois très bien, mais après il faut respecter les traités. Et si vous payez pas, on vous coupe les robinets. » Les Wallons, ils ont dit non au CETA, vous avez vu le bras de fer qu’il y a eu? Qu’est-ce que c’est que ces Wallons qui viennent nous emmerder, là? On les a menacés de plus mettre de fonds (feder?) dans leur province, pour les faire caler, on a lâché deux-trois bricoles pour gagner leur vote, mais cette Europe est antidémocratique à souhait, c’est invraisemblable! Alors il y a les peuples, et en face il y a tout ce système. Les multinationales, institutions qui sont phagocytées, les lobbys, les lobbyistes financiers à Bruxelles, ils sont 1700, 1700 lobbyistes financiers à Bruxelles pour défendre l’industrie financière… Ça en dit long sur le pouvoir de la finance. Donc voilà, en face il y a des peuples qui se cherchent, oui, chacun cherche sa réponse, chacun sent bien que ce système est au bout, y en a qui veulent le sauver, y en a qui veulent le dépasser, on en fait partie, il faut dépasser le système capitaliste… On appelle ça libéralisme, c’est du capitalisme, le numérique c’est la nouvelle jeunesse, c’est le capitalisme de demain, sympathique, facebook… Moi j’ai un compte facebook, hein, c’est pas ça le sujet, mais si on n’est pas vigilant, demains y aura même plus d’État pour résister à ces puissances-là. Donc moi je suis convaincu que l’avenir il est là, ça bouillonne, c’est compliqué, il y a des pressions, il y a une guerre idéologique sans nom… « il n’y a pas d’alternative » ça fait 40 ans qu’ils nous disent ça. Margareth Thatcher en 1979 elle disait ça à son peuple britannique, « il n’y a pas d’alternative », c’était son surnom, Tina, parce qu’en anglais, « there is no alternative ». Elle expliquait qu’on ne peut pas faire autre chose. En plus elle disait regardez à l’Est tout s’est écroulé, on ne peut pas faire autre chose. C’est pas terrible ce qu’on a mais y a pas mieux. Donc il faut s’adapter. Travailler plus, se soigner moins, etc. Et ça fait 30 ans qu’on nous raconte les même salades. Et on s’enfonce, et on s’enfonce, et on s’enfonce. Il faut arrêter tout ça.

Très bien, merci Éric Bocquet de nous avoir reçus, on va s’arrêter sur ce coup de colère et ce coup d’espoir, merci encore et donc on retrouve votre ouvrage écrit avec votre frère Alain Bocquet Sans domicile FISC, aux éditions du Cherche-Midi.

Trésorier at EIBS | antoinealexandre@ei-bs.eu

Co-fondateur d'EIBS en 2010, je chronique l'Europe, sa politique, sa construction et son évolution.

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