Élections parlementaires italiennes 2018

Les élections parlementaires italiennes du 4 mars dernier, destinées à renouveler plus de 900 membres des deux Chambres, ont plongé le pays dans l’incertitude pendant trois longs mois. Tâchons de comprendre pourquoi et pour ce faire revenons-en au point de départ.

En Italie, les deux Chambres que sont la Chambre des Députés et le Sénat ont le même pouvoir. Pour pouvoir former un gouvernement, il faut l’approbation des deux. Au sein des Chambres, les élus sont regroupés en coalitions. Or suite aux élections, aucun parti, aucune coalition n’a obtenu la majorité. 

  • La coalition de centre-droit (comprenant la Ligue, et Forza Italia le parti de Berlusconi) a obtenu 37% des voix (263 députés, 129 sénateurs)
  • Le mouvement cinq étoiles (M5S, qui n’appartient à aucune coalition) a obtenu 32,7% (222 députés et 115 sénateurs)
  • La coalition de centre-gauche (dont fait partie le Parti Démocrate de l’ancien chef du gouvernement Matteo Renzi) a obtenu 22,9% (122 députés, 50 sénateurs)
  • Et enfin la coalition « Libres et égaux » (fusion de trois mouvements de gauche menée par Pietro Grasso) a obtenu 3,38% (14 députés et 4 sénateurs)

Ce n’est pas la première fois que cela se produit, lors des précédentes élections parlementaires en 2013 aucune des deux principales coalitions (celle de gauche menée à l’époque par Bersani et celle de droite par Berlusconi) n’avait obtenu de majorité. Au sein du gouvernement avait alors émergé l’idée d’une réforme électorale et c’est Matteo Renzi qui l’a menée pendant plusieurs années avant d’aboutir à une nouvelle loi électorale, promulguée en novembre 2017.

Entre-temps la percée fulgurante du Mouvement 5 Etoiles au début des années 2010 (ils avaient obtenu 25% des voix en 2013) est venue ajouter une variable supplémentaire à la complexité du fonctionnement du Parlement.

Depuis sa création, ce mouvement « antisystème » bataille contre les partis « traditionnels », au point de parfois (souvent) bloquer complètement les négociations en refusant toute alliance avec les autres partis.

Cette nouvelle loi électorale avait donc pour but initial de lutter contre la paralysie politique du pays en forçant les alliances au sein des Chambres, mais elle n’a pas suffi à empêcher une impasse majeure. 

En Italie, celui qui devient Président du Conseil des ministres est proposé par les deux Chambres (généralement il s’agit de celui qui est à la tête de la coalition majoritaire). Il doit formuler une proposition de gouvernement. S’il est approuvé par le Président de la République, il prête serment avec son équipe et il reçoit la charge de Président du Conseil.

Mais quand il n’y a pas de majorité qui ressort, comment trouver quelqu’un qui convienne à tout le monde? D’où les mois de négociations entre le M5S, premier parti, et la coalition de centre-droit, qui a obtenu le plus de votes.

Le 1er juin, finalement, à la suite de nombreuses négociations entre la Ligue et le M5S pour former une alliance, c’est Giuseppe Conte qui a été approuvé par le Président Sergio Mattarella pour devenir Président du Conseil. Les deux vice Premiers Ministres sont Luigi di Maio, leader du M5S qui est également ministre chargé du développement économique et du travail, et Matteo Salvini, chef de la Ligue, ministre de l’Intérieur.

D’un point de vue européen, le gouvernement semble très mixte.

  • Giovanni Tria, ministre de l’économie et des finances, est proche de la Ligue mais favorable au maintien de l’Italie dans l’Europe
  • Paolo Savona, aux affaires européennes, est très anti-euro
  • Enzo Moavero Milanesi aux affaires étrangères est quant à lui très pro-Europe.

Giuseppe Conte est un juriste de 54 ans, proche du Mouvement Cinq Etoiles mais qui est un novice en politique (chose qu’il revendique lui-même). Le fait que les deux mouvements en tête aient choisi quelqu’un qui n’est pas connu du public est vu par beaucoup d’analystes comme une façon de garder une certaines neutralité de surface pour ne pas donner trop de pouvoir à l’un ou à l’autre. Ce qui dans un second temps amène l’idée que ce choix d’une figure de tête « neutre » permettra en réalité à l’un des deux vice-présidents de s’imposer face à l’autre.

C’est déjà un peu ce que l’on a observé quand Salvini, en tant que ministre de l’intérieur, a refusé début juin 2018 d’accueillir dans un port italien l’Aquarius, bateau de l’ONG SOS Méditerranée avec à son bord 629 réfugiés secourus dans la nuit, le laissant bloqué en mer en quête d’une terre d’accueil. Pour la première fois, l’Italie a fermé ses ports, ce qui a valu à Salvini d’être qualifié de « héros » par beaucoup de quotidiens italiens proches de la droite qui voyaient dans l’action de Salvini une façon de forcer les autres États européens à plus de solidarité. Une telle décision à peine une dizaine de jours après avoir été nommé ministre de l’Intérieur est une façon d’imprimer sa marque de façon catégorique et beaucoup sont les quotidiens à avoir déclaré Salvini « premier ministre de fait ». 

Mais en faisant cela, certes Salvini a été acclamé par une partie des citoyens mais il a également créé une vague de mécontentement parmi l’aile gauche du M5S, supposé être son allié (et de fait l’allié majoritaire du gouvernement étant donnés les scores aux élections), fragilisant ainsi l’équilibre relatif, d’autant que cette question de l’accueil va très certainement se reposer bientôt au vu de l’arrivée de l’été, saison où les arrivées de réfugiés se multiplient.

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