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Quel gouvernement pour l’Allemagne et quelles conséquences pour l’Europe ?

Jérôme Vaillant, Université de Lille

À la veille des élections fédérales du 26 septembre 2021, qui ouvriront l’époque de l’après-Angela Merkel, laquelle a occupé sans discontinuer le poste de chancelière fédérale depuis 2005, l’Allemagne présente un paysage politique fragmenté.

Le nombre de partis au Parlement fédéral ne devrait certes pas varier à l’issue du scrutin : ils sont au nombre de six. Il s’agit des Chrétiens-démocrates (CDU-CSU), des Sociaux-démocrates (SPD), des Verts, des Libéraux (FDP), de La Gauche (Die Linke) et de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD, extrême droite).

Ce qui est inédit et source d’inquiétudes, c’est l’évolution du rapport de forces entre ces formations. Lire la suite

Élections régionales en Allemagne de l’Est : les leçons de la poussée de l’extrême droite

Les élections régionales qui ont eu lieu en Saxe et dans le Brandebourg le 1er septembre puis en Thuringe le 27 octobre dernier étaient particulièrement attendues. On en espérait, trente ans après la révolution pacifique de l’automne 1989 qui entraîna la chute du Mur de Berlin le 9 novembre, une sorte de bulletin de santé de l’Allemagne de l’Est. Force est de constater que ce bulletin de santé est pour le moins préoccupant. Lire la suite

L’Allemagne est-elle encore pro-européenne ?

Jérôme Vaillant, Université de Lille

Les tensions qui se sont manifestées ces derniers mois entre la France et l’Allemagne ont conduit nombre de commentateurs à douter de l’engagement européen de Berlin et à mettre l’accent sur la montée du populisme outre-Rhin. Le traité d’Aix-la-Chapelle, présenté lors de la journée franco-allemande du 22 janvier 2019, a fait apparaître au grand jour ces tensions. Lors des négociations longues et difficiles, d’aucuns ont même pu douter de son aboutissement.

De nombreuses petites phrases de la part du Président français témoignent de son agacement face à la lenteur et à la tiédeur des réactions des chrétiens-démocrates allemands (CDU) à ses propositions – depuis son discours de la Sorbonne de septembre 2017 jusqu’à sa lettre du 4 mars 2019 en faveur d’« une renaissance européenne », adressée à tous les Européens.

C’est surtout la réponse de la nouvelle présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer (« AKK ») formulée, le 10 mars 2019, dans l’édition dominicale de Die Welt, qui a mis le feu aux poudres – de nombreux médias (allemands comme français) ayant retenu prioritairement les points dans lesquels celle-ci opposait à Macron une fin de non-recevoir. Le titre choisi par ce journal – « Faisons l’Europe comme il faut, maintenant » (Europa jetzt richtig machen) pouvait être perçu comme un reproche adressé sans nuance au Président français qui, pour prêcher la renaissance de l’Europe, ferait les choses de travers.

Quand Berlin froisse Paris

Les commentateurs ont surtout relevé la phrase dans laquelle AKK affirme que « le centralisme européen, l’étatisme européen, la communautarisation des dettes, l’européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient la mauvaise voie. » Cette tribune dans Die Welt visait à clarifier les divergences franco-allemandes afin d’éviter de vains débats sur un certain nombre de questions entre les deux pays.

La proposition d’AKK d’installer une bonne fois pour toutes le Parlement européen à Bruxelles – une idée récurrente du côté allemand qui surgit invariablement en période électorale – a également retenu l’attention. AKK qualifie ainsi l’existence de deux sièges, à Bruxelles et à Strasbourg, d’« anachronisme » inutilement coûteux (ce qu’à mi-voix on ne conteste d’ailleurs pas du côté français). Mais cette demande a froissé la susceptibilité de Paris.

Même chose pour la proposition selon laquelle « l’UE devrait à l’avenir être représentée par un siège permanent commun au Conseil de sécurité des Nations unies ». Une idée déjà défendue par Willy Brandt dans les années 1970 : il apparaissait alors logique que ce soit l’UE qui soit représentée de façon permanente au Conseil de sécurité de l’ONU dès l’instant que celle-ci aurait réussi son intégration.

Ces réactions françaises n’ont pas permis de percevoir la réponse d’AKK dans son ensemble. La dirigeante de la CDU cherche des réponses aux mêmes questions que Macron en matière de stratégie pour l’Europe face aux USA et à la Chine ou encore face à la Russie de Poutine qui, dit-elle, « semble vouloir tirer sa force de la déstabilisation et de l’affaiblissement de ses voisins. » Elle oppose à ces trois puissances les valeurs du « European way of life » symbolisé par « la démocratie représentative, le régime parlementaire, l’État de droit, les libertés individuelles et l’économie sociale de marché. »

Des États plus forts pour une Europe plus forte

En matière de défense, Annegret Kramp-Karrenbauer affirme : « Nous devons demeurer transatlantiques, tout en devenant plus européens. » Une formule qui révèle à la fois les continuités et les évolutions de l’Allemagne dans le nouveau contexte international. AKK, qui a déjà plaidé en faveur d’un assouplissement des règles soumettant à l’aval du Parlement les interventions extérieures de la « Bundeswehr » (l’armée allemande), évoque ainsi la mise en place d’un Conseil de sécurité européen, auquel appartiendrait le Royaume-Uni, quelle que soit l’issue du Brexit (une possibilité envisagée également par Emmanuel Macron).

Elle évoque aussi la création, en Allemagne même, d’un Conseil national de sécurité permettant de coordonner la politique étrangère, de défense et de sécurité, d’aide au développement et du commerce extérieur.

Autre point important, sa vision des structures de l’Europe :

« Refonder l’Europe ne se fera pas sans les États-nations : ce sont eux qui fondent la légitimité démocratique et l’identification des peuples. Ce sont les États membres qui formulent leurs propres intérêts et en font la synthèse à l’échelon européen. C’est de cette réalité qu’émane le poids des Européens sur la scène internationale. »

Un signal en faveur de plus d’intergouvernementalité en Europe plutôt que davantage d’intégration supranationale, avec au mieux la poursuite des processus « communautaires ».

Dans ce même texte paru dans Die Welt, la présidente de la CDU cherche visiblement à réagir à la montée des populismes en Europe, à prendre en compte les inquiétudes des populations en matière de politique d’immigration pour donner à l’Europe une dimension protectrice par la réforme (une place importante étant accordée à la politique africaine).

Mais, bien que critique à l’égard de plusieurs points de la politique de « renaissance européenne » de Macron, ce texte présente aussi un important potentiel pour la relance de la coopération franco-allemande au profit de l’Europe.

Vu de Berlin, le retour de la « France irréformable »

Pour l’Allemagne les inquiétudes face à l’immigration, la défense et les relations avec l’Afrique sont centrales. En revanche, ce texte n’aborde pas certains enjeux qui nourrissent le débat français sur l’Europe et les relations franco-allemandes. C’est le cas de l’excédent du solde commercial allemand que de nombreux économistes voudraient voir réduit par une politique de relance de la consommation des ménages en Allemagne : par une politique d’augmentation du pouvoir d’achat via la hausse des salaires, donc, mais aussi par une politique d’investissements massifs dans les infrastructures.

C’est un sujet que semble mal maîtriser la chancelière Merkel qui, peu soucieuse des équilibres internationaux, ne comprend pas en quoi les excédents commerciaux allemands peuvent poser problème à ses partenaires. Un dossier sur lequel AKK a préféré ne pas se prononcer.

Dans cette affaire, il faut bien comprendre que les réponses de Macron au mouvement des « gilets jaunes » – augmenter le pouvoir d’achat au détriment de la lutte contre les déficits publics – a provoqué une vive déception outre-Rhin.

L’opinion publique allemande, tout comme les états-majors de la plupart des partis, avaient pourtant bien accueilli son programme européen, sa politique volontariste en faveur de réformes, dans un premier temps couronnée de succès. Mais le mouvement des « gilets jaunes » a ravivé outre-Rhin la crainte que la France soit irréformable et cesse, une fois de plus, d’être un partenaire fiable.

Avantages et inconvénients de l’Union européenne : des avis partagés

Si l’on en croit un sondage effectué par l’Institut berlinois de recherches « Policy matters » à la demande de la fondation des syndicats, la Hans-Böckler-Stiftung, les deux tiers des électeurs allemands auraient l’intention d’aller voter le 26 mai prochain.

Si tel était le cas, cela représenterait un bond spectaculaire de près de 20 points par rapport au taux de participation de 48,10 % en 2014. Un chiffre déjà plus élevé que le taux moyen enregistré dans l’Union européenne (42,60 %), notamment français (42,43 %). Ce sondage reste toutefois à manier avec prudence, l’électorat allemand restant très partagé sur l’appréciation de l’Union européenne.

Aujourd’hui, 83 % des personnes interrogées dans ce sondage souhaitent un approfondissement de la coopération avec les autres pays membres de l’UE et 72 % seraient même en faveur de la mise en place d’une avant-garde européenne qui pourrait aller plus vite de l’avant. En revanche, 37 % seulement estiment que l’Union européenne comporte plus d’avantages que d’inconvénients. Pour 24 %, les inconvénients l’emportent et aux yeux de 39 % les deux s’équilibrent.

Plus l’électeur se situe à un niveau élevé de l’échelle sociale, plus son vote est positif ; et plus il est négatif à mesure qu’on descend au sein de cette même échelle. Les couches les plus défavorisées reprochent à l’Union européenne son manque de justice sociale. Les principales revendications portent sur la faiblesse du taux d’imposition des multinationales, sur davantage de protection contre la criminalité, la lutte contre le terrorisme et contre l’inégalité hommes-femmes.

Pas de bouleversement politique en vue en Allemagne

Un sondage, réalisé par l’institut Forschungsgruppe Wahlen et publié le 12 avril dernier, attribue 32 % des intentions de vote à la CDU/CSU, 19 % aux Verts, 18 % au SPD, 7 % au FDP, 6 % à Die Linke et 10 % à l’AfD. Ce parti d’extrême droite, qui a enregistré une hausse de 2,6 points aux élections fédérales de septembre 2017 et semblait crédité d’un potentiel protestataire plus important aux Européennes, enregistrerait ainsi une progression de près de 3 points par rapport à 2014. Dans les derniers jours de la campagne électorale, il n’est toutefois pas impossible que l’AfD soit à la hausse (un sondage non vérifié lui accorderait jusqu’à 15 % des voix).

Les gagnants potentiels du scrutin pourraient donc être les Verts (+8,3 points), qui bénéficieraient d’un transfert de voix venues du SPD, tandis que le FDP (Libéraux) doublerait son score (+3,6 points). Le SPD perdrait, quant à lui, près de 10 points et la CDU/CSU un peu plus de 3,2 points.

On ne s’attend donc pas à un bouleversement du paysage politique en Allemagne. Les intentions de vote aux Européennes collent assez bien aux tendances que révèlent les intentions de vote pour des élections fédérales.

Les craintes que nourrissent les partis démocratiques portent surtout sur les élections régionales de l’automne prochain dans les Länder du Brandebourg, de Thuringe : l’AfD y est créditée d’intentions de vote autour de 20 %, voire même supérieures à 20 % dans le cas de la Saxe.

Les nouveaux Länder issus de l’ancienne RDA n’ont pas encore, dans leur ensemble, fait leur conversion entière au régime libéral de la RFA. Leur électorat, quand il n’est pas parti à l’Ouest, n’a pas grandi avec la construction européenne.

Mais, malgré ces particularités sociales et territoriales, l’Allemagne d’aujourd’hui reste un pays favorable à l’Europe. L’Union européenne, comme ne cessent de le dire les dirigeants politiques et économiques du pays – à l’instar de Mario Ohoven, président de la Fédération des entreprises du Mittelstand (Verband mittelständischer Wirtschaft (BVMW) – demeure bien le fondement en matière de paix, de liberté et de bien-être.

Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de Lille

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

En Allemagne, l’après-Merkel commence en douceur

L’élection de Annegret Kramp-Karrenbauer à la présidence de la CDU devrait donner un dernier nouveau souffle à Angela Merkel. Après une sorte de primaire au cours de laquelle ils se sont présentés devant les organisations internes du parti (telles que les Jeunes chrétiens-démocrates et les associations des femmes et du Mittelstand), ainsi que devant le public intéressé, à l’occasion de six conférences publiques régionales, les trois candidats en lice à la tête de la CDU ont été départagés, vendredi 7 décembre, à l’issue de deux tours de scrutin par le Congrès du parti chrétien-démocrate réuni à Hambourg.

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Après les élections en Bavière : une scène politique allemande en pleine ébullition

Défaites et victoires étaient annoncées lors des élections en Bavière du 14 octobre. À quelques nuances près, elles se sont produites comme les sondages le prédisaient dans ce Land de près de 13 millions d’habitants et de 9,5 millions d’électeurs.

Les Chrétiens-sociaux (CSU) perdent 10,5 points mais restent, malgré tout, la première force politique de Bavière, avec 37,2 % des suffrages. Les Verts gagnent 8,9 points par rapport à 2013 et occupent, avec 17,5 % des voix, la seconde place. Un succès annoncé mais peu commenté. Or ils sont les vrais gagnants de ces élections régionales.

Le SPD qui, depuis quinze ans ne parvenait pas à dépasser les 20 %, voit son résultat divisé par deux : il perd 10,9 points et n’obtient que 9,7 %, un résultat tel qu’il a même provoqué l’apitoiement du ministre-président CSU en exercice, Markus Söder. Longtemps, il a été possible d’expliquer l’incapacité du SPD bavarois par la suprématie incontournable de la CSU, ce n’est plus aujourd’hui possible et cela rend cette défaite historique du SPD plus cuisante encore.

Le parti populiste AfD reste, quant à lui, en dessous des pronostics : crédité jusqu’au soir des élections de 14 à 15 % des intentions de vote, il n’a obtenu que 10,2 % des voix – un résultat en net retrait par rapport aux 12,6 % obtenus aux élections fédérales du 24 septembre 2017 (12,4 % dans le seul État de Bavière). Certes l’AfD est désormais représentée dans tous les parlements régionaux d’Allemagne comme au Bundestag, mais sa montée apparaît aujourd’hui résistible.

Avec 5,1 % des voix, les Libéraux (FDP) parviennent de justesse à être représentés au Landtag de Munich, tandis que La gauche (Die Linke), malgré une progression de 1,1 point (pour un total de 3,2 %), reste en deçà du seuil des 5 %.

Peu représentée au niveau fédéral, mais très active en Bavière depuis la fin des années 1990, la formation des Électeurs indépendants (Freie Wähler, FW) progresse de 2,6 points et occupe, avec 11,6 % des voix, la troisième place derrière la CSU et les Verts. Ce score est d’autant plus important que nombre de ses adhérents sont d’anciens membres de la CSU qu’ils ont quittée en raison de désaccord sur ses évolutions. Ils apprécieront sans doute de devenir la force d’appoint dont la CSU aura besoin désormais pour gouverner…

La CSU a annoncé, le soir même des élections, son intention de constituer avec elle un gouvernement de coalition. Un appel entendu, la FW ayant déjà réclamé, par la voix de son président Hubert Aiwanger, trois postes de ministres.

L’erreur insigne de la CSU

Un premier constat s’impose : l’Allemagne va bien mais son électorat n’a, en 2017, renouvelé qu’en rechignant sa confiance à Angela Merkel. La Bavière se porte encore mieux que l’ensemble de l’Allemagne, mais son électorat a fortement réduit la confiance qu’il avait dans un parti pourtant étroitement associé à son succès économique : croissance de 2,8 %, taux de chômage de 2,8 % également, le plein emploi dans un Land qui – avec un PIB de près de 600 milliards d’euros en 2017 – participe le plus fortement à l’ensemble du PIB allemand.

Selon les études faites par l’Institut Infratest-dimap pour la première chaîne de télévision allemande (ARD), la CSU a commis l’insigne erreur de miser sur un seul sujet, celui de l’immigration, pour contrer la montée du populisme dans le pays. Un choix personnifié par le président du parti, Horst Seehofer, à qui 66 % des personnes interrogées reprochent la zizanie qu’il a semée au sein du gouvernement fédéral en ne cessant d’attaquer la chancelière sur ce point. Pour 56 % des électeurs, c’est bien lui qui porte la plus grande part de responsabilité dans l’état actuel de la CSU, loin devant Angela Merkel avec 24 % et Markus Söder avec 8 %.

Élu ministre-président depuis seulement quelques mois, celui-ci n’a pas encore acquis la confiance des Bavarois. Il a, de plus, le handicap d’être originaire de Franconie, souvent en délicatesse avec la Bavière historique. La CSU a surtout perdu des voix au profit des Électeurs indépendants (220 000), des Verts (190 000) et de l’AfD (160 000).

La politique migratoire, quatrième sujet de préoccupation des Bavarois

C’est quasiment pour la même raison que la CSU que l’AfD n’a pas progressé : elle a misé uniquement sur le thème de la politique migratoire alors que ce n’était que le quatrième sujet de préoccupation des Bavarois, loin derrière l’école, le logement et le climat.

Le SPD bavarois a, en gros, les mêmes problèmes que le SPD au niveau national quand Martin Schulz en était le président. Sa présidente, Natascha Kohnen, a acquis une certaine réputation mais, pour 80 % des électeurs, elle n’est pas arrivée à préciser ce pourquoi le SPD se battait, faute d’un grand thème central mobilisateur. Ce sont les Verts à qui revient la palme de défendre la justice sociale, le thème historique du SPD.

Et ce sont les Verts, justement, qui se sont trouvés le plus en adéquation avec leur électorat qui leur reconnaît le plus de compétences en matière de défense de l’environnement, du climat et… de justice sociale, ainsi que pour promouvoir une politique sociale du logement.

Près de 60 % des électeurs verts appelaient de leur vœu la formation d’une coalition entre les Verts et la CSU pour infléchir la politique de cette dernière. C’est désormais un vœu pieux, quand bien même Markus Söder entamerait-il des pourparlers avec tous les partis représentés au Landtag de Munich, sauf l’AfD.

Le patron de la CSU dans la tourmente

Quelles seront les conséquences du scrutin bavarois au plan national ? L’analyse réalisée par l’Institut Infratest-dimap fournit un premier élément de réponse : elle confirme en effet deux choses essentielles. La première : ce n’est plus la politique migratoire qui importe – Angela Merkel a d’ailleurs fortement infléchi sa ligne depuis 2015. Les électeurs souhaitent passer à d’autres sujets tels que l’environnement et le climat.

Ils n’admettent pas non plus qu’un ministre fédéral sème la discorde dans son propre camp à des fins opportunistes et fasse de sa querelle personnelle avec la chancelière la référence de toute chose. Les premières voix se font, d’ailleurs, entendre au sein de la CSU pour réclamer son retrait de la présidence de la CSU. Ce qui induirait forcément son retrait du gouvernement fédéral.

Le débat qui est ouvert n’est donc pas celui de la succession d’Angela Merkel, mais bien celle de Horst Seehofer. Certes, de nouvelles échéances attendent la chancelière : tout d’abord les élections en Hesse le 28 octobre prochain, un Land actuellement dirigé par une coalition CDU-Verts ; puis le Congrès fédéral de la CDU en décembre au cours duquel Angela Merkel, soutenue en cela par de nombreux ministres-présidents chrétiens-démocrates, briguera à nouveau la présidence.

Mais ce Congrès sera, à n’en pas douter, un champ ouvert pour ses opposants internes. D’autres candidats se sont déjà déclarés pour favoriser le renouveau du parti. Leurs scores seront scrutés à la loupe.

Le pluripatisme à la hausse

À lire et entendre les prises de position des différents leaders politiques allemands au lendemain des élections bavaroises, on ne peut que constater une certaine humilité face aux résultats de chaque formation.

Les deux partis de la coalition gouvernementale à Berlin ont perdu ensemble 21,4 points, un désaveu que ceux-ci ne peuvent ignorer. Mais à Munich, c’est la CSU plus que la CDU qui est mise en cause. On entend, par ailleurs, peu de voix qui appellent sérieusement à la fin de la grande coalition, un événement qui plongerait plus encore le pays dans les incertitudes d’élections anticipées.

Les seuls à remettre vraiment en cause la grande coalition sont ceux-là même qui en ont contesté la formation dès le départ : les représentants de l’aile gauche du parti et, en tout premier lieu, le président des Jeunes sociales, Kevin Kühnert. Ces derniers estimaient que le SPD n’avait rien à gagner à faire cause commune avec la CDU/CSU. La grande coalition risque donc de continuer, bon an mal, an son bonhomme de chemin, sans trouver de nouvel élan libérateur.

Les seuls à pouvoir se réjouir au lendemain des élections bavaroises sont les Verts, même s’ils ne disposent pas de stratégie de retour au pouvoir.

Les résultats du scrutin bavarois montrent aussi que l’électorat allemand en se tournant vers d’autres sujets que les problèmes migratoires s’oppose majoritairement à l’ascension du populisme de droite. La marche de Berlin, le 13 octobre, contre la xénophobie et le racisme est davantage significative, illustrant l’attachement à la démocratie, que les accès de fièvre extrémistes de Chemnitz et Köthen, en Allemagne de l’Est.

Les regards se tournent désormais vers la Hesse, un Land de plus de 6 millions d’habitants représentant un PIB de plus de 200 milliards d’euros, où le sondage le plus récent (datant du 3 octobre 2018) fournit la photographie suivante : CDU à 29 % ; SPD à 23 % ; Verts à 18 % ; AfD à 13 % ; FDP à 6 % ; La Gauche à 6 %.

La répartition des voix sur quatre formations rivalisant d’importance et deux autres de taille moyenne confirme bien l’évolution du système partisan allemand vers le pluripartisme.The Conversation

Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de Lille

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.